Modernité (germanique) et tradition (hispanique) dans Diferencias pour orchestre op. 33 (1970) de Rodolfo Halffter

(Germanic) Modernity and (Hispanic) Tradition in Rodolfo Halffter’s Diferencias for Orchestra Op. 33 (1970)

Modernidad (germánica) y tradición (hispánica) en Diferencias para orquesta op. 33 (1970) de Rodolfo Halffter

Christiane Heine

Universidad de Granada

Departamento de Historia y Ciencias de la Música. Facultad de Filosofía y Letras

Antiguo Observatorio. Campus de la Cartuja s/n. 18071 - Granada

cheine@ugr.es

ORCID: https://orcid.org/0000-0003-2355-2142

Fecha de envío: 1/09/2022. Aceptado: 5/10/2022

Referencia: Santander. Estudios de Patrimonio, 5 (2022), pp. 157-196.

DOI: https://doi.org/10.22429/Euc2022.sep.05.08

ISSN 2605-4450 (ed. impresa) / ISSN 2605-5317 (digital)

Cette étude a été réalisée dans le cadre du projet de recherche « I+D+i RETOS, RTI2018-093436-B-100 », financé par le Ministerio de Ciencia, Innovación y Universidades du gouvernement d’Espagne

Résumé : En exil au Mexique, Rodolfo Halffter a développé son propre style de composition sans renoncer à ses racines européennes. Le but de cette étude est de déterminer les techniques et les ressources musicales employées par Halffter dans Diferencias pour orchestre (1970) pour réaliser la synthèse qu’il recherchait entre la modernité germanique et la tradition espagnole : on examine le traitement de la série dodécaphonique dans les douze sections de l’ouvrage, ainsi que les caractéristiques stylistiques d’origine hispanique et le principe de variation appliqué, en tenant compte du modèle de la Renaissance qui a donné son nom à cette composition.

Mots-clés : Musique occidentale ; XXe siècle ; Rodolfo Halffter ; composition dodécaphonique ; procédés hispaniques ; variation ; Mexique.

Abstract: In Mexican exile, Rodolfo Halffter developed his own compositional style without renouncing his European roots. The aim of this study is to determine the musical techniques and resources employed by Halffter in Diferencias for orchestra (1970) in order to achieve the synthesis he sought between Germanic modernity and Spanish tradition: the treatment of the twelve-tone row in the twelve sections of the work is examined, as well as the stylistic characteristics of Hispanic origin and the principle of variation applied, taking into account the Renaissance model that gave this composition its name.

Keywords: Western music; 20th century; Rodolfo Halffter; twelve-tone composition; Hispanic procedures; variation; Mexico.

Resumen: En el exilio mexicano, Rodolfo Halffter desarrolló su propio estilo compositivo sin renunciar a sus raíces europeas. El objetivo de este estudio es determinar las técnicas y recursos musicales empleados por Halffter en Diferencias para orquesta (1970) para lograr la síntesis que buscaba entre la modernidad germánica y la tradición española: se examina el tratamiento de la serie dodecafónica en las doce secciones de la obra, así como las características estilísticas de origen hispánico y el principio de variación aplicado, teniendo en cuenta el modelo renacentista que dio nombre a esta composición.

Palabras clave: Música occidental; siglo XX; Rodolfo Halffter; composición dodecafónica; procedimientos hispánicos; variación; México.

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1. Rodolfo Halffter en exil au Mexique1

À la fin de la guerre civile espagnole (1936-1939), le compositeur Rodolfo Halffter (1900-1987) a émigré au Mexique avec sa famille2, comme beaucoup de ses compatriotes républicains, dont de nombreux artistes et intellectuels. Le choix de ce pays a été motivé non seulement par la langue commune, mais surtout par la politique d’accueil et d’hospitalité menée par le président mexicain Lázaro Cárdenas (1895-1970), favorisée par ses affinités avec l’idéologie de la gauche et la situation économique privilégiée de l’époque. Sous son gouvernement (1934-1940), le Mexique a soutenu la cause républicaine pendant et après la guerre civile espagnole, en mettant à disposition des aides financières pour lutter, après le coup d’État militaire commandé par le général Francisco Franco, contre les fascistes et en accordant l’asile aux milliers de réfugiés espagnols sans les habituels obstacles bureaucratiques3. Contrairement à beaucoup d’autres de ses compatriotes, notamment issus du milieu ouvrier4, l’exil n’a jamais été synonyme de traumatisme pour Halffter. Au lieu d’être un desterrado (déraciné), il se sentait plutôt un transterrado (transplanté), en se référant à un terme inventé par le philosophe José Gaos (1900-1969), avec lequel Halffter partageait son destin d’exilé au Mexique5. Cela était certainement dû en partie au fait qu’Halffter – bien que musicien autodidacte – s’était intégré étonnamment vite dans la vie musicale mexicaine6. À l’automne 1940, il a fondé au Mexique la première compagnie de danse contemporaine et, à partir de 1941, il a enseigné l’analyse musicale jusqu’à sa retraite au Conservatorio Nacional de Música. Il a été cofondateur de la revue Nuestra Música (1946-1953), dont il est devenu le directeur, et de la première maison d’édition musicale au Mexique (1946), Ediciones Mexicanas de Música A. C.7, dont il assumé la présidence, puis la direction.

Parallèlement à toutes ses obligations professionnelles et tâches administratives, il s’est consacré sans relâche à la composition, son imagination créatrice connaissant un renouvellement dans les années 1950. En 1946, son collège Jesús Bal y Gay, lui aussi exilé au Mexique, constatait : « du point de vue harmonique, à un certain moment, l’évolution du compositeur montre un caractère radical de conversion »8. Bal y Gay faisait ainsi allusion au changement stylistique accompli aux alentours de 1928 par Halffter : alors que ses premières œuvres étaient marquées par l’atonalité de Schoenberg, à la fin des années 1920, Halffter s’est tourné vers des modèles néoclassiques, suivant ainsi l’exemple de Manuel de Falla à partir du Concerto pour clavecin (1923-1926). Au cours de cette nouvelle période de création, son harmonie, basée sur les fondements de la tonalité, est devenue de plus en plus complexe grâce à l’application du concept de « superpositions » qu’il a emprunté à Falla9. Mais contrairement à la prédiction de Bal y Gay qu’il n’abandonnerait désormais « jamais » cette tendance néoclassique10, Halffter devait retourner à l’atonalité au sommet de sa carrière, convaincu que le « nationalisme folklorique [...] représente aujourd’hui une voie sans issue »11. Ce retour s’est toutefois réalisé de manière « organisée », en assimilant la méthode de douze sons, après avoir expérimenté en 1950 « la surprise de découvrir les secrets de la composition sérielle “ inventée ” par Schoenberg en 1922 »12. La première création d’Halffter placée sous le signe de la nouvelle méthode, Tres hojas de álbum pour piano op. 22, date de 1953. L’œuvre occupe une place significative dans l’historiographie musicale car elle est généralement considerée comme la première composition dodécaphonique du Mexique13. Pendant les vingt-cinq années suivantes, la méthode de douze sons allait marquer la musique d’Halffter.

À la différence des travaux atonals de sa jeunesse, dans la plupart de ses œuvres tardives – dont une grande partie est dodécaphonique –, Halffter cherchait à concilier les procédés sériels de Schoenberg avec ses racines musicales hispaniques, comme il le confirme vers 1955 dans une lettre à son neveu Cristóbal Halffter (1930-2021), également compositeur : « dans mes œuvres sérielles, je m’efforce de conserver vivant “ l’esprit ” espagnol »14. Il définit ce dernier, selon ses propres mots rapportés par Antonio Iglesias, par « un rythme vigoureux, une mélodie clairement conçue, une forme concise et une facture transparente »15.

Dans son discours d’investiture à l’Académie des Arts de Mexico, le 7 octobre 1969, Halffter a résumé son parcours artistique qui l’avait conduit à faire une synthèse de ces deux courants esthétiques : le nationalisme espagnol et le sérialisme germanique, tous deux représentatifs de ses propres origines16 :

« Je suis arrivé au Mexique à la moitié de ma carrière de compositeur. Au Mexique, avant que ne commence la dernière phase du soir de ma vie, j’ai mûri en tant qu’artiste. C’est là que j’ai composé la partie substantielle de mon œuvre [...]. Au Mexique, mon style a évolué : en perdant son adiposité pittoresque, mon espagnolisme a été réduit à ses traits traditionnels essentiels.

Au Mexique, en tant que compositeur, j’ai parcouru le long chemin qui commence avec les Onze bagatelles pour piano [1949], basées sur les principes de la polytonalité, et se termine avec la 3sonate pour piano [1967], dans laquelle je prétends avoir latinisé le dodécaphonisme, dont l’origine est d’Europe centrale »17.

Cette « latinisation du dodécaphonisme », principal moyen de personnaliser son style de composition dans le but de se libérer des contraintes de la méthode orthodoxe schoenbergienne, caractérise également Diferencias pour orchestre op. 33, qui a été composé trois ans après la 3sonate. Dans Diferencias, une œuvre en un seul mouvement, Halffter avait l’intention, selon le témoignage de Leopoldo Hontañón lors de la première européenne, « de concilier les univers sonores d’Arnold Schoenberg et de Manuel de Falla »18, deux musiciens qui le compositeur considérait comme « ses maîtres », ainsi que l’atteste Iglesias dans sa biographie sur Halffter19.

La présente étude de Diferencias a pour but de vérifier, dans les douze sections de la composition, la fonction des techniques et des procédés musicaux utilisés par Halffter pour parvenir à cette synthèse stylistique qu’il recherchait entre la modernité germanique et la tradition espagnole : on examinera, d’une part, le traitement tant harmonique que mélodique de la série de douze sons et, d’autre part, on explorera les approches métriques et rythmiques d’inspiration populaire, ainsi que la mise en œuvre du principe de variation selon d’anciens modèles hispaniques du genre qui a donné son nom à l’opus 33.

2. Genèse de Diferencias pour orchestre op. 33

Halffter a composé Diferencias à l’âge de soixante-dix ans dans une période de deux mois seulement, en juillet et août 1970, pour répondre à une commande de l’Académie des Arts de Mexico qui l’avait admis comme membre à vie l’année précédente. L’œuvre est dédiée au Enrique Franco (1920-2009), critique musical espagnol du journal madrilène Arriba et « halftérienne à souhait et une excellente amie », selon Iglesias20. La création a eu lieu au Teatro Hidalgo de Mexico le 13 septembre 1970 avec l’Orquesta Sinfónica Nacional mexicain sous la direction de Carlos Chávez. Un mois plus tard, le 11 octobre, se déroulait la première européenne au Teatro Real de Madrid avec l’Orquesta y Coro de Radio Televisión Española sous la direction d’Odón Alonso lors du concert de clôture du III Festival de Música de America y España21 qui a été conçu comme hommage aux « trois Halffter » : les frères Rodolfo et Ernesto (1905-1989) et leur neveu Cristóbal.

La première édition de Diferencias date de 1972 (Mexico, Publicaciones de la Academia de Artes)22 et a été suivie d’une deuxième version révisée en 198523 (Mexico, Ediciones Mexicanas de Música, A. C.), qui présente quelques différences radicales par rapport à la publication précédente. En dehors des modifications de contenu musical (qui ne seront abordées ci-dessous que dans certains cas particuliers), ce qui frappe d’abord est la divergence visuelle entre les deux versions, car si la première édition (1972) se caractérise par l’omission des voix en pause au moyen d’espaces laissés vides, la version révisée (1985) revient quant à elle à la notation traditionnelle. Cette dernière remplace l’indication antérieure des numéros de mesures par la subdivision du texte musical à l’aide de lettres majuscules. La présente analyse se fonde sur l’édition révisée de 1985, car elle représente le stade définitif de l’œuvre, reflétant les intentions les plus récentes du compositeur peu avant sa mort en matière de lisibilité et d’intelligibilité.

On connaît quelques-unes des intentions d’Halffter lors de la composition de Diferencias grâce à ses déclarations écrites sur la structure formelle et sur certains procédés concernant l’organisation du matériau sonore utilisant la technique des douze sons, éclaircissements qui sont reproduits ci-après pour la première fois en français, puis commentés :

« Mes Diferencias para orquesta ont été composées durant les mois de juillet et d’août 1970, à la demande de l’Académie des Arts de Mexico, à laquelle j’appartiens depuis 1969 en tant que membre à part entière et à vie.

Cette œuvre se compose de douze sections, toutes fondées sur une seule série d’intervalles ordonnée de telle sorte que les hexacordes opposés de la série basique et de son renversement sont interchangeables, à condition que ce dernier soit situé à distance de tierce mineure supérieure. De telles possibilités de permutation sont légitimes car elles ne violent pas la loi fondamentale du dodécaphonisme : l’utilisation permanente du total chromatique.

En raison de la disposition particulière de la succession d’intervalles, la série utilisée dans mes Diferencias contient des accords consonants. En outre, certaines sections – entre autres l’avant-dernière – sont caractérisées par l’enchaînement impressionniste de plusieurs accords de sixte consonants, résultant de la superposition linéaire, degré par degré, de trois transpositions de la série de base, convenablement séparées les unes des autres. C’est une sorte de revivification du faux-bourdon médiéval.

À l’exception de la deuxième [section] – qui, pour obtenir l’équilibre interne souhaité, est répétée au centre de l’œuvre –, chacune des sections n’apparaît qu’une seule fois et présente un traitement différent de la série, ainsi qu’une pulsation rythmique qui lui est propre. Chaque section a donc une physionomie unique. Cela justifie le titre choisi, Diferencias, dénomination adoptée au XVIe siècle par les compositeurs espagnols de vihuela et d’orgue pour désigner les variations sur un thème donné. Le thème de mes Diferencias est, bien sûr, la série choisie et, en outre, l’utilisation répétée de certaines unités motiviques et d’une certaine formation accordique »24.

3. Conception et exploitation de la série de douze sons dans Diferencias

L’organisation des douze sons de la gamme chromatique qui définit la série de Diferencias (voir O dans la Fig. 1)25 obéit à la procédure utilisée généralement par Schoenberg dans ses œuvres dodécaphoniques, appelée « combinatoriality » par Milton Babbitt (1955)26, dans laquelle les hexacordes opposés de la série et d’un renversement transposé de celle-ci se correspondent au niveau du matériau sonore. Comme Schoenberg lui-même l’expliquait en 1950 dans une lettre à Josef Rufer, « cela présente l’avantage de pouvoir accompagner des parties mélodiques constituées des six premiers sons par des harmonies des six sons suivants, sans obtenir de doublures »27. À cet effet, Schoenberg cherchait à assurer « que le renversement des six premiers sons génère les six sons restants une quinte plus bas »28. L’application pratique de ce procédé peut être démontrée par exemple au début de la Suite pour septuor op. 29 (1925/1926) de Schoenberg au moyen de la texture polyphonique à trois voix des mesures 5 et 6 (« grazioso »), dans lesquelles – séparément pour les hexacordes respectifs – le violon déroule la série originale (O), étiquetée comme voix principale (H = « Hauptstimme »), qui est accompagnée par l’alto et le violoncelle (pizzicato), respectivement, en utilisant les renversements transposés à la quinte tant inférieure (I-7) que supérieure (I7)29. En revanche, Halffter, selon ses propres déclarations30, choisit, dans Diferencias, de transposer la série à une tierce mineure supérieure pour obtenir le même effet de complémentarité (comparer les Fig. 1 et 2 : O et I3). Par ailleurs – également sans tenir compte de l’ordre des six sons –, il y a un réseau d’analogies entre les deux hexacordes de la série et certaines de ses transpositions ou de son renversement comme ceux qui se trouvent à distance (supérieure) de tierce majeure (O4), sixte mineure (O8), seconde mineure (I1), quarte juste (I5) et sixte majeure (I9), ainsi que ceux – avec les hexacordes opposés – à distance de triton (O6) et de seconde majeure (O2), septième mineure (O10), quinte juste (I7) et septième majeure (I11)31.

Les relations multiples entre douze des vingt-quatre formes de la série (sans compter les récurrences OR et IR)32 résultent d’une autre particularité de la série, car la configuration d’intervalles dans les deux hexacordes, classés par gamme ascendante (O : sol-sol#-si-do-mib-mi§ / do#-ré-fa-fa#-la-sib), correspond, selon la définition de Babbitt, au cinquième d’un total de six « all-combinatorial source sets »33 possibles, où le demi-ton alterne avec la tierce mineure (13131)34. La même combinaison a déjà été utilisée auparavant par Schoenberg dans la Suite op. 29 et dans l’Ode to Napoleon Buonaparte op. 41 (1942), de même que par Anton von Webern dans le Konzert pour neuf instruments op. 24 (1934), ainsi que par Halffter plus tard dans Homenaje a Arturo Rubinstein pour piano op. 36 (1973) et dans Escolio pour piano op. 43 (1980). La concordance entre les tricordes35 quant à leurs deux intervalles (seconde et tierce mineures) permet de les traiter séparément comme des unités indépendantes, de même que les hexacordes. Effectivement, les séquences de trois sons occupent dans Diferencias une position significative, toutefois moins en tant que motifs mélodiques (souvent sans tenir compte de l’ordre au sein de la série) qu’en tant qu’accords dissonants, qui sont interprétables comme le résultat d’une superposition de deux tierces, mineure et majeure respectivement, produisant une friction de demi-ton. Inversés ou utilisés en position large, ces accords dérivés des tricordes présentent des dissonances de septième majeure ou neuvième mineure qui évoquent des acciacatures typiques de la tradition espagnole depuis Domenico Scarlatti36. En revanche, les triades consonantes mises en avant par Halffter37, qui peuvent également être formées à partir de la série38, ont une importance relativement limitée dans l’œuvre.

L’identification de la série originale est entravée par le manque d’accès aux éventuelles ébauches d’études. L’affirmation d’Halffter selon laquelle « la série sélectionnée » dans Diferencias pour générer des variations est « le thème » lui-même suggère un traitement de préférence mélodique du matériau sonore. Mais ce n’est pas le cas. Faisant suite à l’ouverture homophonique de la pièce, les violons présentent à la mesure 23, pour la première fois, une fugace séquence mélodique de six notes (sol#-mi-sol§-do-mib-si), dont le renversement, transposé à la tierce majeure inférieure, s’étend à onze sons des mesures 39 à 42 (mi-sol#-fa-do-la-do# / ré-sib-si§-re#-fa# ; voir l’Ex. 4a), la mélodie des premiers violons étant poursuivie par les violons seconds après six notes. Cette mélodie fractionnée est considérée par Agustín Charles comme la série originale de douze sons de Diferencias – bien qu’incomplète par l’absence du douzième son (sol) – dans son livre sur la musique dodécaphonique et sérielle en Espagne (2005)39. En supposant que l’œuvre d’Halffter commence et se termine avec des sons de la série originale, nous proposons les tableaux sériels suivants (voir les Fig. 1 et 2), partant des tricordes sol-si-sol# et mib-do-mi§, qui inaugurent l’opus 33 d’Halffter convertis en deux accords qui alternent.

3. 1. La forme de Diferencias

La construction de Diferencias se fonde sur les principes de juxtaposition et de répétition tant littérale que modifiée. La distinction des douze sections principales mentionnées par Halffter40 est rendue difficile à cause de la diversité des événements musicaux et de l’expansion de plusieurs parties (voir la Fig. 4). Les principaux critères pour déterminer les sections sont les indications de tempo ainsi que les points d’orgue () et les silences qui exercent la fonction de césures. En outre, des changements de texture et d’instrumentation41 permettent aussi de structurer l’ouvrage, en créant des contrastes immédiatement compréhensibles. D’autre part, on observe des analogies entre certaines sections quant à l’agogique, la mesure et la texture qui, au sein de la diversité, contribuent à l’unité de la pièce (comparer les sections I et III, II et IV, III et VII, VI et VIII). L’analogie la plus frappante est certainement la conformité totale entre les sections II (mes. 39-107) et IX (mes. 277-345) par la répétition intégrale de cette première partie. Justifiée par Halffter par son désir « d’équilibrer » la structure intérieure, cette récapitulation est tout à fait surprenante compte tenu de la préoccupation du compositeur d’éviter des itérations littérales, conformément à l’idée de variation qui régit la pièce.

Selon le témoignage d’Halffter, la série dodécaphonique de Diferencias remplit aussi un rôle structurel à travers son traitement varié, sous son visage vertical ou horizontal (comme accords ou mélodie, respectivement) ou en combinant ces deux versions (comme mélodie accompagnée), comme il est d’usage depuis Schoenberg. Afin d’organiser la division interne d’une section, Halffter emploie fréquemment la « méthode complémentaire » : le matériau sonore du premier hexacorde de la série dodécaphonique (ou de son renversement) nourrit une sous-section complète, tandis que la partie suivante est constituée des six sons du deuxième. On peut vérifier ce principe dès le début de la pièce dont la section I constitue un exemple du traitement individuel tant des hexacordes que des tricordes. La première partie homophonique (mes. 1-28), de teintes sombres, s’ouvre sur les cordes en sourdine, hautbois et bassons (voir l’Ex. 142) qui, pendant douze mesures, alternent, avec un rythme lent, deux accords dissonants (de tierce mineure et septième majeure d’une part, de sixte mineure et septième majeure d’autre part) dérivés des tricordes du premier hexacorde de la série originale (O ; voir la Fig. 1), dont les premiers violons soulignent au moyen de nombreuses répétitions l’intervalle mélodique de tierce majeure descendante, sol-mib, qui sont les premières notes du renversement (I).

Ce n’est qu’à partir de la mesure 13 que le matériau sonore du deuxième hexacorde est introduit de la même manière, en formant également deux accords dissonants alternés. Après une césure explicite (point d’orgue et silence), la forme Lied ternaire de cette partie inaugurale est complétée par la récapitulation abrégée de la première partie (mes. 20-23).

Dans la version révisée de 1985, Halffter a effectué quelques modifications structurelles vers la fin de la composition par rapport à la version de 1972. En fait, dans l’avant-dernière section (XI), il a prolongé la récapitulation de la partie « affettuoso » de trois à six mesures (1972 : mes. 455-457 ; 1985 : mes. 440-445), tout en terminant le passage par une variante rythmique de la première partie (1985 : mes. 407-411). De même, la partie suivante à deux voix (« giocoso ») est allongée dans la version révisée en raison de modifications métriques et rythmiques, ce qui met en évidence, dans les quatre dernières mesures, l’intervalle de triton (sol-do#) entre le trombone I et les premiers violons (1972 : mes. 458-465 ; 1985 : mes. 446-457). Ensuite, la partie « pomposo », caractérisée dans la version de 1972 (mes. 466-497) par le changement irrégulier de mètre, mesure par mesure (3/4, 4/8, 2/8, 2/4, 4/4, 4/8, 2/8, 3/4, etc.), a été entièrement révisée dans la version ultérieure par l’abandon total des mesures en croches et par l’alternance, par tronçons, de mesures en noires tant binaires que ternaires (1985 : mes. 458-481).

La fin de l’œuvre dans la version révisée diffère de la première édition par l’ajout de sept mesures à la fin (1985 : mes. 496-502), où un unisson à plusieurs voix des cordes, soutenu par les trombones deux mesures plus tard, répète deux fois la succession tétracordique sib-la-fa-ré, provenant du premier hexacorde de la récurrence de la série originale (OR : num. 12, 11, 7, 9). Un accord parfait arpégé de mineur est alors suggéré, précédé d’une sixte mineure, dont la note fondamentale , répétée plusieurs fois, termine l’œuvre. En revanche, la version antérieure de 1972 prend fin avec un silence, car, après que le cluster de piano et le roulement de tambour se sont progressivement éteints (« perdendosi »), le chef d’orchestre doit tenir la baguette vers le haut encore huit secondes environ pendant le soupir final avec point d’orgue43.

3. 2. L’harmonie

L’écriture de Diferencias est principalement axée sur la sonorité, ce qui signifie qu’Halffter a renoncé ici à ses procédés polyphoniques usuels, trait mis en relief un an auparavant par Blas Galindo dans son discours d’accueil à l’occasion de la nomination d’Halffter comme membre de l’Académie des Arts de Mexico44. Une caractéristique remarquable de Diferencias est l’économie des moyens qui est conditionnée par la conception particulière de la série de douze sons en raison des analogies entre les quatre tricordes. En faisant un usage individuel des tricordes employés verticalement en termes d’accords dissonants alternés, comme on l’a montré ci-dessus avec l’exemple du début de la pièce (voir l’Ex. 1), Halffter s’est comporté de manière similaire à Webern dans le troisième mouvement du Konzert op. 24, qui s’articule – à la suite d’un passage d’ouverture mélodique (mes. 1-13) – autour d’accords de trois sons provenant des tricordes de la série dodécaphonique et de ses dérivations45. Toutefois, dans Diferencias, à cause des nombreuses itérations, les accords ne progressent que lentement et ils sont fréquemment combinés avec des pédales harmoniques d’une ou deux notes.

Occasionnellement, les tétracordes de la série de douze sons peuvent s’individualiser aussi, comme c’est le cas dans la section VI où, après une césure (point d’orgue et silence), deux accords de septième superposés (cordes et piano) constituent un agrégat de huit notes qui est répété plusieurs fois (mes. 208-211 ; voir l’Ex. 2). Cet agrégat de tierces échelonnées doit être interprété comme une fusion verticalisée des tétracordes initiaux (num. 1 à 4), aussi bien du renversement (position haute) que de la transposition au triton de la série originale (position basse), respectivement, qui seront ensuite déployés mélodiquement un à un en position inverse, tout d’abord par les violoncelles (I : mes. 211-213), puis par les premiers violons (O6 : mes. 215-218).

En général, dans Diferencias, les accords complexes sont utilisés avec parcimonie, formant parfois des blocs statiques afin d’arrêter momentanément la mobilité harmonique. Ainsi, dans la section X on trouve deux accords de six sons (mes. 381-386), appartenant à la récurrence de la série originale (OR : num. 12 à 5), dont une structure accordique fixe (sib-la-fa#-ré), associée à l’alternance répétitive des tierces majeures harmoniques (do-mi et reb-fa), crée des tensions intervalliques de demi-tons. Certains agrégats ne s’expliquent pas par la série dodécaphonique, comme l’espèce de cluster répété qui clôt la section VI et se compose de deux triades augmentées (mes. 220-222)46. Celles-ci se superposent à distance de tierce diminuée (cordes) et sont en outre encadrées (flûtes, bassons et piano) par deux quintes des registres extrêmes (do et lab enharmonique). La première édition de Diferencias, de 1972, s’achève par le total chromatique sous la forme d’un cluster du piano47, tenu pendant sept mesures (mes. 517-523), qui est combiné par moments avec un glissando des violoncelles, puis avec un accord dissonant de sept sons dérivant de la série originale (O : num. 1 à 6 et 10)48.

Les triades majeures et mineures soulignées par Halffter49 sont généralement utilisées dans un contexte dissonant. Les accords parfaits se trouvent avant tout dans les transitions et conclusions structurelles et ne sont généralement pas dérivés d’une forme particulière de la série dodécaphonique (pas plus que les séquences chromatiques occasionnelles). Cela est probablement dû au fait que, à certains moments de la composition, Halffter donne la priorité à la sonorité au détriment des procédés sériels. L’usage apparemment libre d’accords parfaits dans Diferencias diffère de l’approche systématique adoptée par Schoenberg dans la Suite op. 29, où deux ou trois triades majeures et mineures extraites d’un des hexacordes de la série sont superposées, créant des passages homophoniques fortement dissonants, destinés soit à créer un contraste stylistique avec la texture principalement polyphonique, soit à accompagner une mélodie générée par la série50.

La première triade (majeure de mib) qui se manifeste dans Diferencias d’Halffter, est liée à une pédale grave de si naturel et marque un repos harmonique de quatre mesures (mes. 25-28 ; voir l’Ex. 3).

Une fonction similaire est remplie par la triade majeure de la à la fin de la section X, tenue pendant douze mesures à la manière d’une pédale harmonique (mes. 393-404). Entonné par les cors, cet accord consonant s’oppose, d’une part, aux trompettes à deux voix qui lancent la tierce majeure lab-do (mes. 393-394 et 400-401) et, d’autre part, aux instruments restants qui engendrent une tension très forte en y ajoutant les six sons du premier hexacorde d’O11 (mes. 395-398 et 402-403). Ce sont à nouveau les cors qui, dans la section XII, avant le passage suivant en cluster, reproduisent pendant sept mesures un accord parfait d’ut majeur entouré chromatiquement par les violons (mes. 494-500) et rappelant par moments un accord de septième et neuvième de dominante.

En règle générale, les tentatives d’« émancipation de la consonance » sont immédiatement contournées par des voix dissonantes, qui remettent aussi en question l’apparition occasionnelle de triades majeures et mineures. Ainsi, par exemple, dans la section II (mes. 63) une triade majeure de la répétée à l’octave (cette dernière étant atteinte par les violons et altos au moyen de glissandi à trois voix) est dénaturalisée par des figures chromatiques simultanées au trombone I (mes. 70, 71 et 73). De même, les deux apparitions d’un accord parfait de mib majeur, introduit par les premiers violons dans le registre aigu (armonici) vers la fin de la première partie (« affettuoso ») de la section XI (mes. 418 et 420), sont mises en cause par une sorte d’ostinato des notes mi-fa alternées par les basses, qui soutiennent l’harmonie de la section entière. À la distorsion chromatique des accords parfaits prend aussi part la mélodie dans la rencontre harmonique. On peut l’observer au début de la partie rapide (« animato ») de la section III, où la mélodie du trombone I (solo) et le bref motif itératif des trompettes s’opposent à l’accompagnement « tonal » en apparence des cordes et des bois (hautbois et bassons), constitué de deux accords triadiques alternés, de mi mineur et de majeur, ce dernier avec une sixte mineure ajoutée (mes. 118-121), qui sont ensuite transposés à une tierce majeure (mes. 122-125).

3. 3. La mélodie

Dans Diferencias, Halffter renonce au son principe habituel d’une écriture linéaire ainsi qu’à l’élaboration de thèmes complexes qui sont remplacés par de brefs motifs fréquemment réitérés. Quant à l’utilisation horizontale de la série de douze sons, il convient de souligner que – comme chez Schoenberg ou Webern – Halffter tend aussi à faire usage d’hexacordes uniques et à ne pas respecter l’ordre des notes prédéterminé par la série. Il privilégie plutôt des intervalles individuels comme la tierce majeure, qui imprègne toute la pièce, à la fois ascendante et descendante, intervalle mélodique le plus important de Diferencias, qui ouvre les deux hexacordes de la série, tandis que la seconde mineure et la tierce mineure déterminent surtout la grande partie des évènements harmoniques. Comparé au traitement harmonique, le tricorde individuel n’a aucune signification mélodique dans Diferencias, contrairement par exemple au Konzert op. 24 de Webern, dont tout le premier mouvement est essentiellement consacré à l’exploration motivique des quatre tricordes de la série, qui font partie de jeux contrapuntiques complexes entre les neuf instruments51.

L’épanouissement mélodique de la série complète de douze sons ne se produit qu’une seule fois au sein de Diferencias dans la section IV (mes. 138-141 ; voir l’Ex. 4b), en recourant néanmoins au renversement de la série transposée au triton (I6) par analogie inversée à la section II (mes. 39-42 ; voir l’Ex. 4a) dans laquelle seulement onze des douze sons de la forme originale se déploient (O: num. 1 à 11).

Effectivement, cette mélodie renversée (voir l’Ex. 4b) reprend le rythme de l’approche précédente mais se trouve modifiée au début de la deuxième phrase pour renoncer à la répétition du neuvième son, ce qui permet d’ajouter le douzième son à la fin sans effectuer de changements rythmiques (comparer les mes. 41 et 140). Jusque-là, la série, comprise comme une séquence mélodique prédéterminée, ne s’est manifestée qu’à deux occasions seulement, les deux de manière incomplète à la suite du passage homophonique solennel qu’inaugure la section I. C’est le premier hexacorde du renversement (I1) qui s’impose temporairement à la mesure 23 comme motif octavié, vivant et expressif grâce au triolet de croches, motif qui est déployé par les violons et le piano en forte et à l’unisson. Une variante de ce motif mélodique – également à l’unisson, mais inversé en ce qui concerne les intervalles et le rythme – sera reprise plus tard dans les sections III et VII. Toutes deux présentant certaines analogies, puisqu’elles commencent leur première partie calme (« tranquillo ») par la citation d’un hexacorde associé à un rythme anacrousique composé d’un triolet de croches suivi de noires : l’une (III) utilise les six premiers sons d’O1 (mes. 107-199) et l’autre (VII) les six dernières notes d’O11 (mes. 223-224), le matériau sonore de ces hexacordes étant identique. À la suite de cette première présentation partielle de la série renversée dans la section I, les basses forte assimilent une sorte de réponse plus calme (mes. 29-32), également fondée sur le premier hexacorde du renversement (I), qui est harmonisé par les six sons restants de la série52 à l’aide de deux accords correspondant aux premiers tricordes d’O1.

Un exemple de la fragmentation mélodique de la série (O7), répartie entre deux voix non accompagnées, est la partie « giocoso » de la section XI (mes. 446-457), dans laquelle les premiers violons reposent sur do après l’anticipation des sons numéros 4 à 7, un moment que le trombone I utilise pour introduire un ostinato de trois croches avec les sons numéros 1 à 3. Après la répétition de cette séquence, les violons poursuivent la mélodie, entonnant les sons numéros 8 et 9, tandis que le trombone passe aux sons numéros 4 et 5. Cette ultime note est maintenue dans les quatre dernières mesures de ce passage ainsi que la note de clôture des violons (numéro 10), les deux produisant ensemble une dissonance de triton (sol-do#). Les derniers sons omis de la série (mi et fa) apparaissent au début de la sous-section suivante (« pomposo ») dans le tutti orchestral, où ils se manifestent superposés, formant une sorte de pédale double à distance de demi-ton qui joue le rôle d’un soutien harmonique présent tout au long de cette partie (mes. 458-481)53. Sur cette pédale, les cuivres évoquent brièvement un faux-bourdon archaïsant en juxtaposant des accords de sixtes parallèles résultant de la superposition de trois transpositions de la série (O2, O10, O5) selon les hexacordes incomplets (num. 2 à 6, mes. 461-463 et 467-468 ; num. 7 à 8, mes. 472-474 et 478-479).

D’une manière similaire, dans la section VIII (« semplice », mes. 253-276) les violons avançant en parallèle déroulent la série renversée à trois voix (toutefois incomplète puisqu’elle omet le premier et le dernier sons), en créant, par des répétitions immédiates, de brefs éléments motiviques (num. 2 à 6, 7 à 9, 10 à 11) qui progressent sur une pédale de sol en noires paisibles (I, num. 1). L’utilisation simultanée de trois formes du renversement superposées à distance de tierce majeure et de quinte juste (I, I4, I7) donne lieu à la création d’une mixture de triades majeures parallèles qui définit la sonorité de cette section et contribue à l’atmosphère « impressionniste », revendiquée par écrit par le compositeur54 (voir l’Ex. 5).

Deux mixtures dissonantes répétées plusieurs fois, chacune formée de trois tricordes progressant en tierces majeures parallèles, caractérisent aussi la première partie de la section X (mes. 359-373). Ce retour temporaire à des esthétiques du passé manifeste l’intention d’Halffter de ne pas renoncer à ses libertés stylistiques dans le cadre de la méthode dodécaphonique.

Au début de la section XI (« affettuoso », mes. 405-415), on trouve le cas insolite d’une approche inverse, l’harmonie générant de nouveaux motifs mélodiques. Le premier tricorde de la série renversée (I10) est introduit progressivement par les cordes graves et le piano (fa), puis, dans la mesure suivante, par le trombone I en sourdine (do#-mi) qui relie ces deux sons par un glissando rapide. Le même tricorde fournit en outre l’ostinato des basses de la septième majeure mi-fa, au-dessus duquel – comme s’est souvent le cas dans Diferencias – surgit un bloc homophonique chez les violons et les altos, composé de trois accords dissonants issus des tricordes restants de la série. Il est toutefois remarquable que la ligne mélodique générée par le mouvement harmonique soit exploitée et intensifiée de façon motivique en raison des rythmes changeants grâce aux multiples répétitions de la séquence accordique (violons I : num. 6, 9 et 12 ; violons II : num. 5, 8 et 10 ; altos : num. 4, 7 et 11).

La liaison et l’imbrication d’éléments mélodiques et harmoniques par l’horizontalisation ou la verticalisation de la série dodécaphonique est un procédé courant chez Schoenberg et son école, également utilisé par Halffter dans Diferencias, où l’on trouve plusieurs exemples. À la fin de la section III, l’accord formé par les deux trompettes et le trombone I du dernier tricorde de la série transposée (O1 : num. 10 à 12, mes. 134) est déroulé mélodiquement à l’unisson par les violons, les altos et le piano dans la mesure suivante (sib-sol-si§-sib), tandis que les cuivres passent à un autre accord tenu pendant les trois mesures finales (mes. 135-137), qui utilise l’avant-dernier tricorde (num. 7 à 9). De même, les deux accords superposés de septième sur (violoncelles et altos) et sur sol (violons I), qui initient la dernière partie de la section VI en formant un agrégat de huit sons répété pendant quatre mesures (mes. 208-211), sont ensuite déployés séparément par les altos (mes. 212-214) puis par les premiers violons (mes. 216-218), conformément aux tétracordes d’ouverture du renversement (I) et de la forme originale de la série transposée au triton (O6), respectivement.

Inversement, la verticalisation d’une séquence mélodique a lieu dans la partie lente (« tranquillo ») aussi bien de la section III (mes. 107-117) que de la section analogue VII (mes. 223-232), où une mélodie fragmentaire de six sons à l’unisson (III : flûte I et clarinette I ; VII : piano) – coïncidant avec le premier hexacorde d’O1 (III) et le deuxième hexacorde d’O11 (VII), respectivement – anticipe le matériau sonore (équivalent dans les deux cas) de deux accords, dérivés des tricordes correspondants, qui sont alternés entre les cordes (III) et le piano (VII). La voix supérieure de ces accords souligne l’intervalle de tierce majeure descendante (par enharmonie dans VII) en correspondance avec la section I (mes. 1-12 : sol-mib ; mes. 110-112 et 115-117 : sol#-mi ; mes. 225-227 et 230-232 : do-sol#). La partie rapide suivante (« animato ») complète les sons restants des hexacordes opposés, d’une part grâce à un motif mélodique (III, mes. 117-118) et, d’autre part, grâce à des accords dérivés des deux premiers tricordes (VII, mes. 232-239) qui s’unissent au quatrième tricorde causant des mouvements parallèles à trois voix à distance de triton (violons et bois) sur la pédale double do-mi (trombones). Dans le passage suivant de la section VII, le matériau sonore des deux hexacordes d’une même forme sérielle (I6) est combiné. Une séquence mélodique itérative, provenant du premier hexacorde (num. 1 à 5) et initiée par la note manquante auparavant du total chromatique (do#) – maintenant mise en relief par des octaves et de longues durées –, est accompagnée par deux accords alternés, issus des tricordes du deuxième hexacorde (mes. 240-245)55.

Utilisée à des fins structurelles, la complémentarité de textures par rapport aux hexacordes est une caractéristique qui marque tout particulièrement le début de la section X. Après le déroulement mélodique du premier hexacorde de la série (O5 : num. 1 à 6) et sa transposition inférieure à une tierce majeure (O1 : num. 1 à 5), présentée à l’unisson en trois variantes rythmiques par les violoncelles et contrebasses (mes. 346-354), les notes restantes de cette dernière (à l’exception du son final) apparaissent dans le tutti au sein de la partie homophonique suivante sur la pédale fa (num. 6), en formant deux accords alternés de tierce mineure et septième majeure (mes. 355-358). Ces deux textures s’associent ensuite en superposant les hexacordes concernés, dont une sorte de cantus firmus solennel (num. 1 à 6) des basses (tuba, bassons et contrebasses en pizzicato) est accompagné d’une mixture à trois voix (num. 7 à 12) qui avancent en tierces majeures (mes. 358-363). Toutefois, le mouvement contraire ultérieur des tierces majeures parallèles, exécuté dans la même section sur la pédale mib (bassons et violoncelles) par les violons qui progressent par intervalles de demi-tons, n’est pas explicable par la série de douze sons (mes. 387-392).

3. 4. Rythme et mesure

La comparaison des deux éditions de Diferencias de 1972 et de 1985 témoigne de l’intention générale d’Halffter, manifestée dans la version révisée ultérieure, d’atteindre une meilleure compréhension du texte musical de la part des interprètes et de faciliter l’exécution de la pièce, rendue difficile par le changement constant du mètre, qui est l’une des principales caractéristiques de la composition. Les interventions métriques commencent déjà dès les premières mesures et seront cruciales tout au long de la pièce. Alors que dans la section I de la version de 1972 le mètre changeait mesure par mesure (mes. 1-6 : 2/4, 3/4, 1/4, 2/4, 4/4, 1/4, etc.), dans la révision de 1985, le compositeur a décidé de fusionner plusieurs unités de temps binaires et ternaires (mes. 1-5 : 2/2 ; mes. 6 : 3/4 ; mes. 7-11 : 2/4). Les déplacements d’accents causés par ces corrections métriques se répercutent au début de Diferencias sur les figures rythmiques d’accompagnement (contrebasses, piano et grosse caisse) qui – originalement anacrousiques (1972) – deviennent désormais thétiques (rév. 1985). Parfois, Halffter a ajusté le contenu rythmique au mètre changé, comme dans la mesure 22 (1972 : 5/8 ; rév. 1985 : 2/4), en écourtant la pause entre les deux phrases (demi-soupir au lieu de soupir), ou vers la fin de la pièce dans la partie « brillante » de la section XI (1972 : mes. 439-449 ; rév. 1985 : mes. 429-434), en diminuant la durée de certaines notes (noires au lieu de blanches).

Dans la vaste palette de mètres appliqués par Halffter, on remarque l’utilisation fréquente de l’amalgame de mesures binaires et ternaires en fonction de l’accentuation rythmique – comme l’alternative métrique « 6/8 = 3/4 » dans les sections II, IV, V, IX et X de Diferencias (voir la Fig. 4 et les Ex. 4a et 4b) –, qui est une caractéristique identitaire indéniable de la musique populaire espagnole56, omniprésente également, de la même manière, dans le premier mouvement de la 3e sonate pour piano op. 30 (dodécaphonique aussi)57.

En outre, il y a des rythmes destinés à évoquer sporadiquement une ambiance hispanique, comme la syncope et le triolet, qui sont tous deux des éléments stylistiques typiques du folklore espagnol58. Les rythmes des motifs mélodiques sont simples et attribuables aux quelques patterns qui réapparaissent plus tard, soit répétés littéralement, parfois sous la forme d’ostinati, soit modifiés à l’aide du principe de variation afin de créer une certaine diversité (voir la Fig. 4, dernière colonne).

Le procédé de transformation rythmique peut être illustré par la section II – une partie essentielle de Diferencias intégralement reprise dans la section IX –, qui réunit et exploite deux critères de l’hispanisme musical concernant le mètre et le rythme (voir la Fig. 3) : la mesure « amalgamée » (« 6/8 = 3/4 ») et la syncope. La section s’ouvre sur un motif thétique, initié par une noire et des croches, qui rappelle le premier élément mélodique de la pièce (section I, mes. 23) adapté à une mesure à 6/8, et suivi d’une noire et d’une croche dans une mesure implicite à trois temps, tout en accentuant le deuxième temps faible de la seconde mesure (mes. 39-40).

Tout d’abord, ce pattern rythmique de deux mesures est modifié dans sa partie ternaire par l’ajout d’une ligature qui souligne la syncope (voir les flèches dans la Fig. 3). Ensuite, le début du motif est accéléré par une croche pointée (mes. 43) dont la tête est liquidée plus tard, de même que la syncope (mes. 47), qui sera récupérée peu après (mes. 55). Après d’autres citations variées du pattern (mes. 59 et 61), le rythme syncopé s’émancipe en tant que motif indépendant (mes. 63) qui détermine la deuxième partie homophonique de la section II. La syncope y apparaît dans de nouvelles variantes diminuées et augmentées, perdant de temps en temps sa vigueur expressive, soit à cause des changements transitoires de mètre (4/4), soit parce qu’elle est précédée d’une noire qui accentue à sa place le temps fort de la mesure ternaire.

Le pattern rythmique et la variante de la croche pointée dominent également la section IV dans une sorte de jeu de questions/réponses réparti entre différents groupes instrumentaux (mes. 138-161), qui introduisent une nouvelle variante acéphale en supprimant la noire initiale du modèle (Qeiiq |eEq eE|). Cette nouvelle variante, abrégée à la fin mais préservant encore la pulsation syncopée pendant sa double énonciation (Qeiiq |eE eEQ|), inaugure la prochaine section V (mes. 162)59, dans laquelle le motif rythmique sera rendu méconnaissable à la suite de l’élimination de la deuxième mesure. D’autre part, après la récapitulation complète de la section II (= IX), le patron rythmique réapparaît fugitivement au début de la section suivante X (mes. 346), dans laquelle la mesure de l’amalgame est exploitée par des pulsations variables de noires binaires et ternaires, ce qui permet de conserver l’essence-même du pattern.

Par rapport à la syncope, le triolet est utilisé avec plus de parcimonie dans Diferencias, soit comme motif d’ouverture mélodique, soit comme figure d’accompagnement. Il convient toutefois de noter que, dans l’édition révisée de 1985, Halffter a apporté quelques changements rythmiques afin de souligner le triolet par moments. C’est le cas dans les sections III et VII, qui commencent alors par un motif d’anacrouse non accompagné et répété en peu plus tard (flûte I et clarinette I à l’unisson), lequel est composé d’un triolet de croches et de noires, le triolet se trouvant sur le temps faible d’une mesure binaire stable (r3ry|qq|eE). Ce rythme diverge donc de celui de la première édition de 1972, dans laquelle une figure de croches occupe une mesure à 3/8, également suivie de noires, mais dans une mesure à quatre temps qui varie ensuite (voir 1972 : mes. 107-108 et 224-225 ; rév. 1985 : mes. 108-109 et 223-224). Le motif composé d’un triolet anacrousique et de deux noires caractérise la partie « brillante » de la section XI, en étant répété plusieurs fois (dans des phrases de 2+2 et de 1+1 mesures) dans une mesure à trois temps (mes. 429)60. Un peu avant (mes. 411 et 415), la flûte I et la clarinette I à l’unisson, soutenues par le bloc des cuivres, articulent brièvement une sorte de fanfare sur une note itérée (la#) au moyen de triolets acéphales de doubles croches (S3dg|eS3dgryeE|), un motif rythmique auquel répond ensuite le trombone I avec un triolet anacrousique qui se transporte à la tierce mineure par un glissando. Le mordant supérieur qui termine l’épanouissement mélodique de la série dodécaphonique (voir les mes. 42 et 141 dans les Ex. 4a et 4b) – ornement musical archaïque souvent utilisé par Domenico Scarlatti – rappelle les conclusions mélismatiques en triolets typiques du folklore andalou61.

Hormis l’usage mélodique du triolet, pourtant concis, quelques groupements de trois triolets formés par doubles croches (mes. 131) ou croches (mes. 192) sont utilisés sporadiquement à des fins expressives pour rythmer des accords massifs dans certaines voix (cordes), ce qui rappelle fugitivement le bolero espagnol.

3. 5. Le principe de variation appliqué aux Diferencias

Aux critères stylistiques hispaniques concernant le mètre et le rythme se joint le principe de variation qui est inspiré d’un genre musical – notamment espagnol – né à la Renaissance : le genre de la « diferencia »62, dont Halffter a repris le nom pour l’ouvrage examiné ici63. Développé pour l’essentiel par Luis de Narváez (vers 1500-1555) d’abord dans la musique pour vihuela, puis adapté aux instruments à clavier et perfectionné par Antonio de Cabezón (1510-1566), le genre est basé sur deux types de processus, la variation sur basso ostinato et la variation sur cantus firmus, les deux types étant utilisés au cours du XVIe siècle, tant de façon individualisée qu’en combinant l’un et l’autre dans un bloc harmonico-mélodique. Dans ses cycles de variations64, Cabezón avait tendance à dissimuler le thème – presque toujours issu du répertoire vocal de l’époque concernée, sacré ou profane –, soit en renonçant à sa présentation inaugurale, soit en intégrant le schème harmonique ou mélodique dans une texture polyphonique complexe jusqu’à le rendre méconnaissable.

L’affinité de la pièce d’Halffter avec le genre ancien de la diferencia se manifeste surtout dans le traitement de la série dodécaphonique, qui fournit à la fois des accords et de brèves séquences mélodiques, toutes deux basées en premier lieu sur des tricordes (utilisés verticalement) et des hexacordes individuels (utilisés horizontalement), sans toutefois se présenter comme un thème fixe qui serait ensuite soumis à des variations. Cet usage fragmentaire de la série et de ses dérivations réalisé par Halffter dans l’opus 33 constitue sa contribution à l’assouplissement des contraintes sérielles, en se distinguant du traitement thématique traditionnel de la série effectué, d’une part, par Schoenberg, par exemple dans Variationen pour orchestre op. 31 (1928)65, dont le thème, de forme Lied ternaire, est défini par une séquence de 48 sons (4x12) résultant de la juxtaposition de quatre configurations sérielles (O-IR-3-OR-I-3) et, d’autre part, par Webern, dans la Sinfonie op. 21 (1927-28), où le thème – symétrique en miroir dans tous ses paramètres – du deuxième mouvement, appelé Variationen, est basé sur les douze sons du renversement de la série transposée (I-4).

En conséquence de la suppression générale de la linéarité, la série de douze sons de Diferencias ne se soumet pas aux principes canoniques, procédés pourtant essentiels de la technique de variation chez Schoenberg et Webern. Cette insignifiance de l’approche contrapuntique est d’autant plus surprenante que le style polyphonique – inspiré par les compositeurs de la deuxième école viennoise – jouait un rôle important dans la plupart des œuvres antérieures d’Halffter, comme en témoigne le compte rendu de Bal y Gay sur le premier mouvement du Concerto pour violon et orchestre op. 11 (1939/40)66 :

« Ce que fait Halffter [dans le Concerto], c’est de construire un développement basé sur des variations du premier thème seulement [...] par les procédés contrapuntiques aujourd’hui privilégiés par Schoenberg et son école : canon strict par augmentation ou diminution, rétrograde ou à l’écrevisse, renversé strict, renversé rétrograde, etc., etc., procédés déjà utilisés par les anciens contrapuntistes et que l’auteur du Concerto rétablit au profit de la musique tonale »67.

Halffter a également utilisé des techniques contrapuntiques dans le cycle de variations Para la tumba de Lenin pour piano op. 10 (1937)68, écrit précédemment, dont le thème solennel de huit mesures (dolce e legatissimo) est conçu comme canon à deux voix à distance de dixième majeure. Trois des six variations au total préservent la mélodie originale de la première voix (sections II et VII) ou de la deuxième voix (section III) de ce canon à la manière d’un cantus firmus, qui apparaît dans la dernière variation à trois voix parallèles formant une mixture d‘inspiration impressionniste, composée de triades majeures et enveloppée par des arpèges descendants de quartes justes et augmentées.

La texture (homophonique, mélodique avec l‘accompagnement d’accords ou monophonique à l’unisson), le temps (lent, modéré ou rapide), le mètre (stable, variable ou amalgamé) et le timbre (variable grâce à des combinaisons instrumentales différentes) sont les principaux facteurs qui contribuent à créer de la diversité et à distinguer onze des douze sections de Diferencias, toutes ayant en commun la provenance du matériau sonore, basé sur la série dodécaphonique. La récapitulation littérale d’une partie complète au sein d’un cycle de variations – dans ce cas la section II (= IX) qui est la partie la plus mélodique de la pièce – doit être comprise comme un repos structurel, inhabituel dans le genre, et qui, comme on le sait, est éventuellement attendue depuis le classicisme viennois à la fin d’une pièce, où il est d’usage que le thème revienne sous son dessin original. Le grand orchestre comprend un vaste ensemble d’instruments à percussion69, dont un piano, tous les instruments adoptant des rôles changeants au cours de la pièce, tant harmoniques que mélodiques et d’importance variable, qui ont été partiellement modifiés dans l’édition révisée de 1985 par rapport à la première version de 197270.

4. Conclusions

La fusion de deux approches esthétiquement opposées, comme le dodécaphonisme germanique et le nationalisme espagnol, expérimentée par Halffter dans son œuvre tardive, s’effectue dans Diferencias de manière à la fois magistrale et sophistiquée, créant un équilibre parfait entre modernité et tradition et, en fin de compte, entre liberté expressive et contrainte méthodologique. Fortement personnalisée, la méthode de douze sons appliquée par Halffter s’inscrit dans le contexte d’une texture principalement homophonique, contrairement à l’écriture contrapuntique qu’il pratiquait couramment et aux modèles de la deuxième école viennoise généralement fondés sur la polyphonie. La série et ses dérivations fournissent d’une part des accords dissonants, préférentiellement de trois sons générés par des tricordes et parfois en combinaison avec une pédale simple ou double et, d’autre part, de temps à autre, des triades majeures ou mineures qui sont généralement dénaturées par l’ajout de sons étrangers.

L’un des aspects les plus remarquables de l’œuvre est l’économie des moyens musicaux. Des nombreux passages se limitent à l’utilisation du matériau sonore d’un seul hexacorde de la série, la répétition – littérale ou légèrement modifiée – d’infimes unités accordiques, mélodiques ou rythmiques étant employée comme une ressource pour faire progresser la musique, tout en intensifiant la tension. Malgré la densité sonore du grand orchestre et la complexité du procédé utilisé, la composition dodécaphonique examinée présente une certaine transparence de la texture grâce à la réduction des éléments constitutifs, ce qui facilite sa compréhension par l’auditeur. L’austérité et la transparence ainsi que l’équilibre formel sont considérés par Halffter comme des « caractéristiques fondamentales de la meilleure musique espagnole de tous les temps »71.

Comme le révèle l’analyse de Diferencias, l’objectif principal d’Halffter était de rechercher le matériau sonore de la série dodécaphonique – fragmentée par hexacordes – en ce qui concerne l’harmonie, en extrapolant différents accords à trois ou plusieurs voix, tant dissonants que consonants. En revanche, son intérêt pour l’exploitation horizontale de la série, entendue comme « thème », était bien moindre, comme le prouve le fait que, dans l’ensemble de la pièce, la série de douze sons ne se déroule entièrement qu’une seule fois, et que la texture mélodique basée sur des fragments de celle-ci ne prévaut que dans deux des douze sections. Par ce changement de paradigme concernant la mise en œuvre de la méthode dodécaphonique dans Diferencias, Halffter s’éloigne de ses modèles, même s’il se rapproche de l’opus 29 de Schoenberg et de l’opus 24 de Webern en ce qui concerne l’organisation de sa série dodécaphonique, classée par gamme ascendante (par hexacorde). En assouplissant la rigueur dodécaphonique par le contact avec des traits stylistiques hispaniques en termes d’harmonie (acciacatures), de mètre (l’amalgame), de rythme (syncope et triolet), d’ornementation (mordant supérieur) et de structure (principe de variation), intégrés de manière subtile et discrète (tout comme les allusions à l’impressionnisme), Halffter a fait preuve dans Diferencias d’une extraordinaire liberté créatrice. Celle-ci se manifeste par sa volonté de « latiniser le dodécaphonisme », tout comme son retour à la Renaissance, en se référant à la musique espagnole ancienne par l’assimilation du genre de la diferencia.

Le retour de Halffter à ses racines hispaniques est devenu encore plus évident trois ans plus tard dans 8 Tientos pour quatuor à cordes (1973), qui ne revient pas seulement à un genre d’origine espagnole mais aussi, bien qu’occasionnellement, à son ancien style tonal et non dodécaphonique72, un double retour, tant géographique qu’esthétique, inspiré par le Schoenberg tardif en référence à son essai « On revient toujours »73 et à ses Variationen op. 43b74. Halffter poursuivait ainsi l’utilisation de procédés historicisants qu’il avait déjà mis en œuvre dans Diferencias, où il tentait de concilier deux courants esthétiques manifestement opposés, comme la modernité germanique et la tradition hispanique, procédés particulièrement appréciés lors de la première européenne à Madrid par le compositeur Tomás Marco, en soulignant l’importance historique de Diferencias de Rodolfo Halffter :

« Nous nous trouvons face à une œuvre basique et fondamentale qui conjugue deux positions jusqu’alors apparemment antagonistes et qui comble une lacune historique qui avait causé un préjudice considérable à la musique espagnole. Même dans son titre, une fusion s’opère, puisque les diferencias auxquelles il fait allusion sont un terme courant dans notre musique du Siècle d’Or pour désigner la technique de la variation, si souvent utilisée dans le sérialisme et qui est le fondement de cette œuvre »75.

Bibliographie

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Discographie

HALFFTER, Rodolfo, Diferencias, enregistrement du concert de 11 octobre 1970 au Teatro Real de Madrid avec l’Orquesta y Coro de Radio Televisión Española sous la direction d’Odón Alonso lors du concert de clôture du III Festival de Música de America y España ; accès [en ligne, voir « cinta 2 »] https://bibliotecadigital.aecid.es/bibliodig/es/consulta/registro.do?control=ES-MAAEC20160019001.

HALFFTER, Rodolfo, Diferencias, enregistrement du concert de 22 mai 1971 à Washington/D. C. avec le National Symphony Orchestra sous la direction d’Izler Solomon à l’occasion du V Festival Interamericano de Música ; accès [en ligne], https://bibliotecadigital.aecid.es/bibliodig/es/consulta/registro.do?control=ES-MAAEC20170001829 et https://academiadeartes.org.mx/obras/rodolfo-halffter-diferencias-para-orquesta-final/.

HALFFTER, Rodolfo, Diferencias (= version révisée de 1985), dans la collection
« Tributo a Rodolfo Halffter », enregistrée dans la
Sala Ollin Yoliztli de Mexico en janvier 1997 avec la Filarmónica de la Ciudad de México sous la direction de Fernando Lozano et pour le compte du Ministère de la Culture espagnol et de l’Ambassade d’Espagne en Mexique ; accès [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=4KjWQP-wblA.


1 Un résumé de l’étude a été présenté sous la forme de communication orale au colloque international et transversal « ICD Libertés et contraintes », organisé par Catherine Douzou, Henri Gonnard, Marie-Hélène Soubeyroux et Anne Ullmo, qui s’est tenu à l’université de Tours/France du 18 au 20 mai 2022. Je tiens à remercier tout particulièrement mes collègues Stéphan Étcharry et Florence Doé de Maindreville de l’université de Reims Champagne-Ardenne pour la relecture de mon texte français et les corrections qu’ils ont apportées.

2 Pour plus d’information sur les circonstances de l’exil d’Halffter, voir CARREDANO, Consuelo, « Apropiaciones culturales-adhesiones pragmáticas. Dos músicos exiliados en México: Jacobo Kostakowsky y Rodolfo Halffter », dans CARREDANO, Consuelo et PICÚN, Olga (éds.), Huellas y rostros: exilios y migraciones en la construcción de la memoria musical de Latinoamérica, Mexico, Universidad Nacional Autónoma de México, 2017, pp. 73-90.

3 Pour plus d’information sur cette question, voir ABELLÁN GARCÍA GONZÁLEZ, José Luis, « El exilio de 1939: la actitud existencial del transterrado », Debats: Revista de cultura, poder i societat, 67 (1999), pp. 118-126 ; réédition dans BALCELLS, José María et PÉREZ BOWIE, José Antonio (éds.), El exilio cultural de la Guerra Civil (1936-1939) (Aguilafuente, 16), Salamanca, Universidad de Salamanca, 2001, pp. 19-28. Rodolfo Halffter a obtenu la nationalité mexicaine quelques mois après son arrivée au Mexique.

4 Pour plus d’information, voir le chapitre III dans FAGEN, Patricia W., Exiles and Citizens. Spanish Republicans in Mexico, Austin/TX, University of Texas Press, 1973 ; version espagnole (traduction par Ana Zagury) Transterrados y ciudadanos. Los republicanos españoles en México, Mexico, Fondo de Cultura Económica, 1975, pp. 42-60.

5 HALFFTER, Rodolfo, « Discurso de ingreso », Discours d’investiture à l’Académie des Arts de Mexico (7 octobre 1969), p. 1 [accès en ligne, voir dans le chapitre Bibliographie].

6 Pour de plus amples informations sur l’intégration des musiciens espagnols exilés Rodolfo Halffter, Adolfo Salazar et Jesús Bal y Gay dans la vie musicale mexicaine, voir CARREDANO, Consuelo, « Un sendero sobre esta tierra roja. Miedo, censura, retornos. La experiencia vital de los músicos españoles antes y durante su exilio en México: tres estudios de caso », Quintana, 14 (2015), pp. 81-104.

7 Pour de plus amples informations sur l’histoire de cet éditeur, voir CARREDANO, Consuelo, Ediciones Mexicanas de Música. Historia y catálogo, Mexico, CENIDIM, 1994.

8 « La evolución del compositor, desde el punto de vista armónico, tiene en un cierto momento carácter radical de conversión » ; BAL Y GAY, Jesús, « Rodolfo Halffter », Nuestra Música, Mexico, 1/3 (juillet 1946), pp. 141-146 : 143 [cette traduction en français et toutes les suivantes sont de l’auteure du présent texte].

9 Pour plus d’information sur l’approche harmonique d’Halffter, voir HARPER, Nancy Lee, « Rodolfo Halffter and the “Superposiciones” of Manuel de Falla: Twelve-Tone Applications of “Apparent Poly-Tonality” », Ex Tempore, 8/1 (été 1996), pp. 58-94.

10 « El joven atonalista, se convierte al neoclasicismo, una tendencia que ya no abandonará jamás. Por muchas que sean las audacias armónicas que se permita, se encontrará asido de ahora en adelante a las bases tonales de la música clásica » ; BAL Y GAY, Jesús, « Rodolfo Halffter », p. 143.

11 « El nacionalismo folklórico [...] representa hoy un callejón sin salida y que, por tanto, hay que buscar el “ser” nacional por caminos nuevos » ; HALFFTER, Rodolfo, lettre à Cristóbal HALFFTER (vers 1955), cité par IGLESIAS, Antonio, Rodolfo Halffter (su obra para piano), Madrid, Editorial Alpuerto, 1979, p. 195.

12 « Así, en 1950, experimenté la sorpresa de descubrir los secretos de la composición serial, “inventada” por Schoenberg en 1922 » ; HALFFTER, Rodolfo [dans Audiomúsica, 1 août 1960], cité par IGLESIAS, Antonio. Rodolfo Halffter (tema, nueve décadas y final) (Memorias de la Música Española), Madrid, Fundación Banco Exterior, 1991, pp. 69-70. Vers 1920, Halffter l’autodidacte avait déjà « découvert » le traité d’harmonie de Schoenberg ; voir HALFFTER, Rodolfo, cité par IGLESIAS, Antonio. Rodolfo Halffter (tema, nueve décadas y final), p. 40.

13 IGLESIAS, Antonio, Rodolfo Halffter (tema, nueve décadas y final), p. 157. Cette assertion concernant la paternité d’Halffter de la méthode de douze sons au Mexique – à trouver également chez d’autres auteurs et qui n’a pas été réfutée jusqu’à aujourd’hui –, a été explicitement confirmée publiquement en 1969 par le compositeur mexicain Blas Galindo en présence d’Halffter : « Il [Halffter] a été le premier à pratiquer le système dodécaphonique au Mexique et à exprimer, théoriquement et pratiquement, les avantages que l’on peut obtenir avec ce procédé de composition » [El fue el primero en practicar el sistema dodecafónico en México y en expresar, teórica y prácticamente, las ventajas que se pueden obtener con dicho procedimiento de composición] ; GALINDO, Blas, « Discurso de Bienvenida al Maestro Rodolfo Halffter [à l’Académie des Arts de Mexico, le 7 octobre 1969] », dans RUIZ ORTIZ, Xochiquetzal (éd.), Blas Galindo. Biografía, antología de textos y catálogo, Mexico, CENIDIM, 1994. Il est toutefois remarquable que Carlos Chávez, proche collaborateur d’Halffter et connaisseur de sa musique depuis les années 1940, ne l’ait pas mentionné dans son article de 1954 sur la musique dodécaphonique au Mexique ; voir CHÁVEZ, Carlos, « El dodecafonismo en México », Memoria de El Colegio Nacional, 3/9 (1954), pp. 69-73.

14 « En mis obras seriales, trato de conservar vivo el “espíritu” español » ; HALFFTER, Rodolfo, cité par IGLESIAS, Antonio, Rodolfo Halffter (su obra para piano), p. 195.

15 « En alguna otra ocasión el propio compositor se atrevería a definir en cortas palabras lo que para él era el “espíritu español”: ritmo vigoroso, melodía claramente perfilada, forma concisa y factura transparente » ; IGLESIAS, Antonio, Rodolfo Halffter (tema, nueve décadas y final), p. 133.

16 Il faut rappeler qu’Halffter était l’aîné de six enfants nés d’un père allemand et d’une mère catalane.

17 « A México llegué el mediodía de mi carrera de compositor. En México, antes de que se iniciara la última fase de la tarde de mi vida, he madurado como artista. Aquí he compuesto la parte sustancial de mi obra [...]. En México mi estilo ha evolucionado: mi españolismo, al perder su adiposidad pintoresca, ha quedado reducido a sus esenciales rasgos tradicionales. [...] En México, como compositor he recorrido el largo camino que arranca de las Once bagatelas para piano, basadas en los principios de la politonalidad y que termina en la Tercera Sonata para piano, en la que pretendo haber latinizado la dodecafonía, cuyo origen es centroeuropeo » ; HALFFTER, Rodolfo, « Discurso de ingreso », p. 7 [les parties du texte en italiques sont mises en évidence dans la publication originale].

18 HALFFTER, Rodolfo, cité par HONTAÑÓN, Leopoldo, « Tercer festival de música de España y América », ABC, Madrid (15 octobre 1970), pp. 81-82 : 82.

19 IGLESIAS, Antonio, Rodolfo Halffter (tema, nueve décadas y final), p. 44.

20 « Enrique Franco, halffteriano a ultranza y excelente amigo [...] » ; IGLESIAS, Antonio, Rodolfo Halffter (tema, nueve décadas y final), p. 195.

21   L’enregistrement de la première européenne de Diferencias à Madrid est disponible auprès de la Biblioteca Digital AECID (je remercie Germán Gan Quesada pour cette information)  [accès en ligne, voir dans le chapitre Discographie].

22 Les enregistrements de Diferencias tant de la première européenne du 11 octobre 1970 (voir la note de bas de page précédente) comme du concert du 22 mai 1971 à Washington/D. C. avec le National Symphony Orchestra sous la direction d’Izler Solomon à l’occasion du V Festival Interamericano de Música sont basés sur la partition de la première édition de l’ouvrage, de 1972.

23 On trouve l’enregistrement de la version révisée de Diferencias, de 1985, dans la collection «Tributo a Rodolfo Halffter », qui a été réalisé dans la Sala Ollin Yoliztli de Mexico en janvier 1997 avec la Filarmónica de la Ciudad de México sous la direction de Fernando Lozano et pour le compte du Ministère de la Culture espagnol et de l’Ambassade d’Espagne en Mexique (CD, Mexico, Prodisc, 1998, série « Clásicos Mexicanos » ; je remercie Germán Gan Quesada pour cette information).

24 « Mis Diferencias para orquesta fueron compuestas durante los meses de julio y agosto de 1970, por encargo de la Academia de Artes, de México, a la que pertenezco, desde 1969, como miembro de número y vitalicio. Esta obra está integrada por doce secciones, todas ellas cimentadas sobre una sola serie interválica, ordenada ésta de manera que son intercambiables los hexacordes [sic] opuestos de la serie básica y de su inversión, siempre que esta última se halle situada a la distancia de una tercera menor superior. Tales posibilidades de permutación son legítimas, puesto que no violan la ley fundamental de la dodecafonía: el empleo permanente del total cromático. Debido a la peculiar disposición de la sucesión interválica, la serie utilizada en mis Diferencias contiene acordes consonantes. Por añadidura, determinadas secciones –entre otras, la penúltima– se caracterizan por el encadenamiento impresionista de varios acordes de sexta consonantes, obtenidos éstos como resultado de la superposición lineal, grado a grado, de tres transposiciones de la serie básica, separadas entre sí en forma conveniente. Trátase de una especie de revivificación del fauxbourdon medieval. Salvo la segunda [sección] –que, para obtener el deseado equilibrio interno, se repite en el centro de la obra–, cada una de las secciones aparece una sola vez y muestra un tratamiento distinto de la serie, así como una pulsación rítmica propia. Cada sección, pues, ostenta una fisonomía inconfundible. Ello justifica el título elegido de Diferencias, denominación adoptada en el siglo XVI por los compositores españoles de vihuela y órgano, para designar las variaciones sobre un tema dado. El tema de mis Diferencias es, por supuesto, la serie elegida y, además, el uso reiterado de ciertas unidades motívicas y de cierta formacion acórdica » ; HALFFTER, Rodolfo, « Diferencias para orquesta », dans RUIZ ORTIZ, Xochiquetzal (éd.), Rodolfo Halffter. Antología, introducción y catálogos, Mexico, CENIDIM, 1990, pp. 245-246 [les parties du texte en italiques sont mises en évidence dans la publication originale].

25 Dans ce qui suit, nous appliquons les abréviations d’origine espagnole qu’Halffter utilisait pour élaborer, par exemple, les tableaux des séries de ses opus 22 et opus 36 : O = série originale ; OR = récurrence de la série originale ; I [inversión] = renversement de la série originale ; IR = récurrence du renversement. Voir les reproductions des autographes dans IGLESIAS, Antonio, Rodolfo Halffter (su obra para piano), p. 192bis [op. 22], et IGLESIAS, Antonio, Rodolfo Halffter (tema, nueve décadas y final), p. 481 [op. 36].

26 Voir BABBITT, Milton, « Some Aspects of Twelve-Tone Composition 1955 », dans PELES, Stephen et al. (éds.), The Collected Essays of Milton Babbitt, Princeton/NJ, Princeton University Press, 2003, pp. 38-47.

27 « Das hat den Vorteil, daß man Melodieteile aus den ersten sechs Tönen durch Harmonien aus den zweiten sechs Tönen begleiten kann, ohne Verdopplungen zu erhalten » ; SCHOENBERG, Arnold, lettre à Josef RUFER (8 avril 1950), cité par RUFER, Josef, Die Komposition mit zwölf Tönen, Kassel, Bärenreiter, seconde édition révisée, 1966, p. 89.

28 « Ich persönlich trachte die Reihe so zu halten, daß die Umkehrung der ersten sechs Töne, eine Quint tiefer die restlichen sechs Töne ergibt » ; SCHOENBERG, Arnold, cité par RUFER, Josef, Die Komposition mit zwölf Tönen, p. 89.

29 Les chiffres arabes en exposant indiquent la distance en demi-tons (supérieurs ou inférieurs, ces derniers étant marqués par le signe moins) par rapport à la série originale. Au regard du matériau sonore (sans considération d’ordre des six sons), les deux hexacordes d’O concordent avec ceux d’I7 à la différence d’I-7, dont le deuxième hexacorde correspond au premier hexacorde d’O et vice-versa. On peut consulter l’ébauche de la série originale et ses renversements transposés à la quinte (tant inférieure que supérieure) de la Suite op. 29 de Schoenberg dans les archives du Arnold Schönberg Center à Vienne (signature MS29.1183) ; accès [en ligne] https://www.schoenberg.at/index.php/en/joomla-license-sp-1943310036/suite-op-29-1925-1926.

30 Voir la citation ci-dessus d’Halffter sur Diferencias (note de bas de page 24).

31 Comparer les lignes marquées dans les Fig. 1 et 2.

32 Les formes récurrentes de la série (OR et IR) ne jouent qu’un rôle mineur dans Diferencias, d’une part en raison des analogies concernant le matériau sonore des tricordes et, d’autre part, à cause de la symétrie en miroir du premier hexacorde qui présente – dans le vocabulaire d’Olivier Messiaen appliqué au rythme – un ordre d’intervalles « non rétrogradable », la quarte centrale étant encadrée par une tierce majeure et une tierce mineure ; voir MESSIAEN, Olivier, « Chapitre V. Rythmes non rétrogradables », Technique de mon langage musical, vol. 1, Paris, Alphonse Leduc, 1944, pp. 12-13.

33 Le terme « all-combinatorial source set » fait référence à l’interchangeabilité des hexacordes de certaines formes d’une série dodécaphonique en ce qui concerne les agrégats constitués par les six sons de chaque hexacorde ; voir BABBITT, Milton, « Some Aspects of Twelve-Tone Composition 1955 », p. 42.

34 Les hexacordes de ces « all-combinatorial » séries, classés par gammes, présentent la soi-disant prime forme (0, 1, 4, 5, 8, 9) en ce qui concerne la distance des intervalles à partir du premier son. La séquence de trois sons composée d’un demi-ton et d’une tierce mineure est souvent utilisée par Halffter dans sa musique polytonale, en formant des accords dissonants ; voir HARPER, Nancy Lee, The Piano Sonatas of Rodolfo Halffter: Transformation or New Techniques? Thèse de doctorat (Doctor of Arts), Denton/Texas, North Texas State University, 1985 p. 30.

35 Le mot « tricorde » a été repris de Milton Babbitt pour déterminer une séquence de trois sons consécutifs dans une série dodécaphonique, par analogie avec l’utilisation des termes tétracorde et hexacorde ; BABBITT, Milton, « Some Aspects of Twelve-Tone Composition 1955 », p. 43.

36 Selon Kirkpatrick, dans Scarlatti les acciacatures « véritables » ne sont jamais indiquées comme signes ; ce sont toujours des figures harmoniques, et non des figures mélodiques ; KIRKPATRICK, Ralph, Domenico Scarlatti [1953], Princeton/NJ, Princeton University Press, édition révisée 1983, pp. 395-396. Pour plus d’informations sur le « Retour à Scarlatti » dans la musique espagnole contemporaine, voir GARCÍA GUTIÉRREZ, Emma Virginia, El retorno a Domenico Scarlatti: una mirada al pasado desde la música española (1880-1939), Thèse de doctorat, Madrid, Universidad Complutense de Madrid, 2016. Il faut rappeler qu’Halffter et ses collègues madrilènes de la dite Generación del 27 considéraient Domenico Scarlatti, Antonio Soler et Manuel de Falla comme leurs « principaux maîtres de la composition » ; HALFFTER, Rodolfo, cité par IGLESIAS, Antonio, Rodolfo Halffter (tema, nueve décadas y final), p. 415 ; voir aussi les pp. 44-45. 

37 Voir la citation ci-dessus d’Halffter sur Diferencias (note de bas de page 24).

38 Les intervalles de la série de douze sons de Diferencias sont les suivants (voir la Fig. 1) : trois secondes mineures, trois tierces mineures, quatre tierces majeures et une quinte juste. Sur la base de cette configuration – indépendamment de l’ordre des notes et de leurs variantes enharmoniques –, six triades consonantes (plus leurs variantes enharmoniques) peuvent être formées à partir du matériau sonore de chaque hexacorde d’une seule forme de la série : trois triades mineures et trois triades majeures, situées à une distance de tierce majeure ; en outre, les quatre triades augmentées complémentaires peuvent être extrapolées de la série entière, deux dans chaque hexacorde.

39 Voir CHARLES, Agustín, Dodecafonismo y serialismo en España. Compositores y obras, Valencia, Rivera Editores, 2005, p. 125.

40 Voir la citation ci-dessus d’Halffter sur Diferencias (note de bas de page 24).

41 L’orchestre de Diferencias (selon les deux éditions, de 1972 et révisée de 1985) se compose des instruments suivants (pour éviter des ambiguïtés concernant les termes, spécialement en ce qui concerne les instruments à percussions, nous reprenons, dans cette énumération, les désignations originales en italien) : 2 flauti, 2 oboi, 2 clarinetti in sib, 2 fagotti, 4 corni in fa, 2 trombe in do, 2 tromboni, 1 tuba, timpani, triangolo, woodblock, claves, tamburo basco, cassa chiara con timbro, cassa chiara senza timbro, piatti, piatto, tamtam medio, tamtam profondo, gran cassa, campane tubolari, xilofono, pianoforte, archi. En raison de la complexité de l’instrumentation, le présent texte renonce à une étude détaillée de celle-ci, à laquelle il n’est fait référence que dans certains cas.

42 Tous les exemples musicaux sont tirés de l’édition révisée de 1985 et publiés avec l’autorisation de Gonzalo Halffter et des Ediciones Mexicanas de Música, A. C., Mexico.

43 La partition indique « Antes de marcar el final de la obra, el director de orquesta, en este calderón, mantendrá la batuta en alto durante ocho segundos aproximadamente » [Avant de marquer la fin de l’œuvre, le chef d’orchestre, durant ce point d’orgue, tiendra la baguette en l’air pendant environ huit secondes] ; voir l’édition de 1972, p. 82.

44 « Su escritura, en general, es contrapuntística y siempre clara y transparente. Halffter no es afecto a emplear acumulamiento de sonidos y a exagerados contrastes sonoros; no obstante esto, su música fluye, no es monótona y siempre encuentra el oyente novedad melódica, de timbre y de matiz en ella » [Son écriture, en général, est contrapuntique et toujours claire et transparente. Halffter n’aime pas utiliser l’accumulation de sons et les contrastes sonores exagérés ; néanmoins, sa musique coule, elle n’est pas monotone et l’auditeur y trouve toujours des nouveautés en matière de mélodie, de timbre et de nuance] ; GALINDO, Blas, « Discurso de bienvenida al maestro Rodolfo Halffter », p. 60.

45 Il convient de rappeler que, dans le Konzert op. 24 de Webern, l’ordre des intervalles de la série de douze sons est organisé de telle manière que les quatre tricordes forment une sorte de micro-série avec ses dérivations transposées, en présentant les rapports suivants: O (num. 1 à 3), IR (num. 4 à 6), OR (num. 7 à 9) et I (num. 10 à 12).

46 Les deux éditions de Diferencias comportent une erreur concernant le mètre de la mesure finale de la section VI en préservant la mesure antérieure à quatre temps au lieu de changer le mètre par une mesure à sept temps (1972 : mes. 223) et six temps (rév. 1985 : mes. 222), respectivement, en conformité avec les durées réelles.

47 Note dans la partition : « Cluster integrado por todas las teclas blancas y negras comprendidas entre las dos notas extremas indicadas, que deberá ser ejecutado con la palma de la mano izquierda » [Cluster constitué de toutes les touches noires et blanches comprises entre les deux notes extrêmes indiquées, à jouer avec la paume de la main gauche] ; voir p. 81 dans les deux éditions, celle de 1972 et celle, révisée, de 1985 (le soulignement renvoie aux éditions originales).

48 Dans la version révisée de 1985, Halffter a réduit ce passage à cinq mesures (mes. 501-505) avant d’ajouter la nouvelle partie finale commentée ci-dessus.

49 Voir la citation ci-dessus d’Halffter sur Diferencias (note de bas de page 24).

50 La Suite op. 29 de Schoenberg s’ouvre avec une séquence de quatre accords différents de six sons chacun (mes. 1-3), résultant de la superposition de trois triades (dont deux sont majeures et une est mineure) exécutées séparément par le violoncelle, l’alto et le violon. Ces accords parfaits superposés sont propres au premier hexacorde de la série originale (O) et de différents renversements de celui-ci (I-7, I7 et I), le matériau sonore d’O et d’I-7 étant complémentaire. En même temps, le piano relie chaque accord à une figure ascendante rapide qui déploie des séquences mélodiques de six sons constituées par les hexacordes respectifs opposés (OR : num. 12 à 7 ; I-7 : num. 7 à 12 ; I7 : num. 7 à 12 ; IR : num. 12 à 7).

51 Contrairement au second mouvement du Konzert op. 24, dans lequel le compositeur a mis en évidence des unités de deux sons (diades), Webern a conservé dans le premier mouvement les particularités des quatre tricordes, qui apparaissent séparément avec des rythmes différents.

52 Originalement, la note finale (sib) de cette séquence mélodique est maintenue jusqu’à la fin de la section I (édition de 1972). Dans la version révisée de 1985, cette pédale de basse est remplacée par un motif descendant de trois sons (mi-do#-fa) qui se complète avec l’accord dissonant des cors (sol#-la-do) pour former le premier hexacorde de la série transposée (O1). Cette intervention sonore s’ajoute aux modifications métriques effectuées par Halffter en 1985 dans la section I, comme nous l’avons commenté plus haut.

53 À l’occasion de son analyse d’Escolio pour piano op. 43 (1980) d’Halffter, N. L. Harper associe le demi-ton (tant ascendant que descendant) – sur lequel, selon ses observations, toute la pièce est basée – à la gamme phrygienne typique de la musique espagnole ; HARPER, Nancy Lee, « Rodolfo Halffter and the “Superposiciones” of Manuel de Falla ... », p. [6].

54 Voir la citation ci-dessus d’Halffter sur Diferencias (note de bas de page 24).

55 Nous signalons une erreur d’édition évidente à la mesure 246 de la partition (tant de la version de 1972 que celle de 1985) où les flûtes indiquent mi#, la note sol# étant correcte.

56 La petenera utilise par exemple ce même amalgame des mesures 6/8 et 3/4.

57 Voir OGAS, Julio, « Elección estilística y procesos de significación en la obra para piano de Rodolfo Halffter », Revista de Musicología, 33/1-2 (2010), pp. 329-342 : 336.

58 Le rythme syncopé est souvent présent dans la musique populaire castillane ; voir PALACIOS GAROZ, Miguel Ángel, Introducción a la música popular castellana y leonesa, [Burgos], Junta de Castilla y León - Excmo. Ayuntamiento de Segovia, 1984, p. 57. Le triolet – généralement en combinaison avec le tétracorde phrygien – est l’un des critères les plus importants du folklore andalou. Ogas met en évidence l’utilisation de triolets dans la 3e sonate pour piano, qui lui confèrent « un caractère proche de la musique populaire hispanique » ; OGAS, Julio, « Elección estilística ... », p. 336.

59 Dans l’édition révisée de 1985, Halffter a éliminé la pause d’un temps (2/4) à la fin de la section V, qui, selon la version de 1972, indique VUOTA pour annoncer la section suivante (1972 : mes. 171, 180, 193) ; à la place, il a ajouté un point d’orgue aux pauses finales (de noires), sans changer la mesure (3/4 ; voir rév. 1985 : mes. 173, 181, 193).

60 De nouveau, la partie analogue de l’édition de 1972 emploie des groupes de croches thétiques dans une mesure à 3/8 et double en outre la longueur des phrases (mes. 439-444).

61 Je tiens à remercier Germán Gan Quesada (Universitat Autònoma de Barcelona) pour cette observation.

62 Pour plus d’information sur le genre de la diferencia, voir JAMBOU, Louis, « Variación (diferencia) », dans CASARES RODICIO, Emilio (éd.), Diccionario de la música española e hispanoamericana, vol. 10, Madrid, ICCMU, 2002, pp. 751-753 ; voir aussi HEINE, Christiane, « Von Antonio Cabezóns diferencias zu Nicolás Ledesmas Sonatenfinalsätzen: “Renaissance” der Variation in der spanischen Instrumentalmusik des 19. Jahrhunderts? », dans KLEINERTZ, Rainer ; FLAMM, Christoph et FROBENIUS, Wolf (éds.), Musik des Mittelalters und der Renaissance. Festschrift Klaus-Jürgen Sachs zum 80. Geburtstag (Studien zur Geschichte der Musiktheorie, 8), Hildesheim, Olms-Verlag, 2010, pp. 569-589.

63 Voir la citation ci-dessus d’Halffter sur Diferencias (note de bas de page 24).

64 Au début des années 1930, Halffter a orchestré las Diferencias sobre la « Gallarda Milanesa » de Cabezón. La partition (autographe de neuf pages) n’a pas été publiée ; voir IGLESIAS, Antonio, Rodolfo Halffter (tema, nueve décadas y final), pp. 74-75.

65 Halffter connaissait en profondeur l’opus 31 de Schoenberg, qui faisait partie de sa leçon d’analyse donnée en 1972 dans les V Cursos Manuel de Falla à Grenade ; voir IGLESIAS, Antonio, Rodolfo Halffter (tema, nueve décadas y final), p. 225.

66 Le Concerto pour violon et orchestre a été créé le 26 juin 1942 à Mexico, au Palacio de Bellas Artes, par l’Orquesta Sinfónica de México sous la direction de Carlos Chávez et avec Samuel Dushkin comme soliste, et publié en 1964 par Ediciones Mexicanas de Música, A. C. (Mexico).

67 « Lo que hace Halffter es construir un desarrollo a base de variaciones de solo el primer tema [...] por los procedimientos contrapuntísticos hoy favoritos de Schoenberg y su escuela: canon recto por aumentación o disminución, retrógrado o cancrizante, invertido recto, invertido retrógrado, etc., etc., procedimientos ya usados por los viejos contrapuntistas y que el autor del Concerto restaura para beneficio de la musica tonal » ; BAL Y GAY, Jesús, « Rodolfo Halffter », p. 145 [les parties du texte en italiques sont mises en évidence dans la publication originale].

68 L’œuvre porte le sous-titre Variaciones elegíacas para piano para conmemorar el XX Aniversario de la Revolución Soviética et a été composée par Halffter durant la guere civile espagnole à Valence, en l’espace de trois jours seulement, du 28 au 30 octobre 1937, à la demande du Comissariat de Propaganda de la Generalitat de Catalunya qui l’a publiée en 1937. La première représentation a eu lieu, avec quarante ans de retard, le 14 juillet 1977 à Mexico par Carles Santos.

69 Voir la composition de l’orchestre de Diferencias ci-dessus (note de bas de page 41).

70 Par exemple, dans la version ultérieure, le piano subit des changements considérables, perdant partiellement son rôle de protagoniste. C’est le cas dans les sections analogues II et IX, dans lesquelles le piano est désormais exclu de l’unisson des cordes (voir 1972 : mes. 46 et 49-53, 286 et 288-293 ; rév. 1985 : mes. 48-54, 286-292). L’unisson à deux voix de la transition vers la section IX modifie également le timbre en faveur des cordes dans l’édition de 1985, en faisant passer la partie de clarinette au violoncelle (1972 et rév. 1985 : mes. 271-272).

71 « [En la Tercera sonata para piano] me he esforzado por alcanzar la transparencia, la austeridad y el equilibrio formal, que considero son rasgos fundamentales de la mejor música española de todas las épocas » ; HALFFTER, Rodolfo, cité par IGLESIAS, Antonio, Rodolfo Halffter (tema, nueve décadas y final), p. 205.

72 Pour plus d’information sur le quatuors à cordes d’Halffter, voir HEINE, Christiane,
« Les quatuors à cordes (1958, 1962, 1973) de Rodolfo Halffter : trois points de vue autour de la tradition du genre », dans GONNARD, Henri et HEINE, Christiane (éds.),
La musique de chambre au milieu du 20e siècle. France-Espagne, Tours, Presses Universitaires François-Rabelais, 2017, pp. 181-215.

73 Halffter fait ainsi allusion au titre original français de cet essai ; voir SCHOENBERG, Arnold, « On revient toujours. 1948 », dans STEIN, Leonard (éd.), Style and idea. Selected writings of Arnold Schoenberg (traduction par Leo Black), London ; Boston, Faber and Faber, 1975, pp. 108-110.

74 HALFFTER, Rodolfo, cité par IGLESIAS, Antonio, Rodolfo Halffter (tema, nueve décadas y final), p. 247.

75 « Nos encontramos ante una obra básica y fundamental que conjuga dos posiciones hasta ahora aparentemente antagónicas y que llena un agujero histórico que había hecho bastante daño a la música española. Incluso en su título se realiza una fusión, ya que las diferencias a que hace alusión son un término corriente en nuestra música del Siglo de Oro para designar la técnica de la variación, tan empleada en el serialismo y que es la base de esta obra » ; MARCO, Tomás, « Tercer festival de música de España y América  », Revista SP, Madrid, 522 (15 octobre 1970), reproduit dans RUIZ ORTIZ, Xochiquetzal (éd.), Rodolfo Halffter. Antología, introducción y catálogos, pp. 247-248 : 248 [la surlignage en italiques dans la traduction est de l’auteure de ce texte].

O >

Série originale et ses transpositions

<OR

Num.

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

Num.

O

sol

si

sol#

mib

do

mi

fa

do#

fa#

la

sib

OR

O1

sol#

do

la

mi

do#

fa

fa#

mib

sol

sib

si

OR1

O2

la

do#

sib

fa

fa#

sol

#

mi

sol#

si

do

OR2

O3

sib

si

fa#

mib

sol

sol#

mi

fa

la

do

do#

OR3

O4

si

#

do

sol

mi

sol#

la

fa

fa#

sib

do#

OR4

O5

do

mi

do#

sol#

fa

la

sib

fa#

sol

si

#

OR5

O6

do#

fa

la

fa#

sib

si

sol

sol#

do

#

mi

OR6

O7/-5

fa#

#

sib

sol

si

do

sol#

la

do#

mi

fa

OR7

O8/-4

#

sol

mi

si

sol#

do

do#

la

sib

fa

fa#

OR8

O9/-3

mi

sol#

fa

do

la

do#

sib

si

#

fa#

sol

OR9

O10/-2

fa

la

fa#

do#

sib

#

si

do

mi

sol

sol#

OR10

O11/-1

fa#

sib

sol

si

#

mi

do

do#

fa

sol#

la

OR11

Fig. 1. Diferencias (tableau de la série). Rodolfo Halffter

Fig. 2. Diferencias (tableau du renversement). Rodolfo Halffter

I >

Renversement de la série originale et ses transpositions

< IR

Num.

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

Num.

I

sol

mib

fa#

si

sib

la

do#

do

sol#

fa

mi

IR

I1

sol#

mi

sol

do

mib

si

sib

do#

la

fa#

fa

IR1

I2

la

fa

sol#

do#

mi

do

si

mib

sib

sol

fa#

IR2

I3

sib

fa#

la

fa

do#

do

mi

mib

si

sol#

sol

IR3

I4

si

sol

sib

#

fa#

do#

fa

mi

do

la

sol#

IR4

I5

do

sol#

si

mi

sol

#

fa#

fa

do#

sib

la

IR5

I6

do#

la

do

fa

sol#

mi

mib

sol

fa#

si

sib

IR6

I7/-5

sib

do#

fa#

la

fa

mi

sol#

sol

#

do

si

IR7

I8/-4

#

si

sol

sib

fa#

fa

la

sol#

mi

do#

do

IR8

I9/-3

mi

do

#

sol#

si

sol

fa#

la#

la

fa

do#

IR9

I10/-2

fa

do#

mi

la

do

sol#

sol

si

sib

fa#

#

IR10

I11/-1

fa#

fa

sib

do#

la

sol#

do

si

sol

mi

#

IR11

Ex. 1. Diferencias (section I), mes. 1-6. Rodolfo Halffter

Ex. 2. Diferencias (section VI), mes. 208-211. Rodolfo Halffter

Ex. 3. Diferencias (section I), mes. 25-28. Rodolfo Halffter

Ex. 4a. Diferencias (section II), mes. 39-42. Rodolfo Halffter

Ex. 4b. Diferencias (section IV), mes. 138-141. Rodolfo Halffter

Ex. 5. Diferencias (section VIII), mes. 253-263. Rodolfo Halffter

Fig. 3. Diferencias (section II : variantes rythmiques). Rodolfo Halffter

[I] mes. 23

3/4

q-ry r3ry|

e

mes. 39

6/8=3/4

q erty|

eE q eE |

>

mes. 41/51

q erty|

eE q - eE |

mes. 43

r.gyrty|

eE q eE |

>

mes. 45/53/61

r.gyrty|

eE q - eE |

mes. 47/49

E .dyrty|

e

>

mes. 55/57

E .dyrty|

Q eE eE |

mes. 59

E ryrty|

eE q eE |

mes. 63

|

Q q - eE |

>

mes. 64

|

Q q eE |

mes. 65

|

Q eE eE |

>

mes. 66

|

Q ry ry |

mes. 67/68

4/4

|Q e E q eE |

Sections

Nº de mesures

Lettres partition

Mètre

Tempo

Analogies entre sections

Traitement du matériau sonore

Série (formes utilisées)

Rythmes principaux

I

1-38

U

A

2/4, 3/4, 4/4, etc.

Tranquillo q = 88

[voir III]

accords (tricordes)

O

h|h|

[23-24]

motif (nº 1-6) unisson

I1

q-ryr3ry|e

[25-28]

triade mib maj + si (nº 9-12)

O1

q.dg|qq|qq_|eE

[29-32]

motif (nº 1-6) + accompagnement

I + O1

q|qQ|Eery|h_ e

II

39-107

B

6/8 = 3/4

q = 168 (e = e sempre), con spirito

[voir IV et IX]

mélodie (nº 1-11)

O9, O7, O4

qerty|eEqeE|

[63]

C-D

accords de 3-4 sons (incluant triades)

IR10

|Q q_ eE|

III

107-137

E

2/4

q = 88, tranquillo

analogue à I (variée) [voir aussi VII]

mélodie / accords de 3 sons (nº 1-6)

O1

r3ry|qq|eE alternant h|h|

[117]

2/4, 3/4

q = 120, animato

motif / triades + dissonances

O8 / I9, I1, O1

Qdffg|eEq_|e / Qry|eEq_|e

IV

138-161

F-G

6/8 = 3/4, 4/4

q = 168, con spirito

analogue à II (variée)

mélodie invertée (I: nº 1-12)

I6, O8

qerty|eEqeE|

[150]

rit.

[suite G]

mixtures, accords

O8, I6, O9

Qqq|qeEQ|Qryry|qeEQ|

V

162-193

U

H

6/8 = 3/4

a tempo (q = 168)

sons répétés

I4

Qerty|eEeEQ|

[174]

U

I

motifs de 3 et 2 sons

O9, O, O9

q.eeE|Qqq|qQq|q

VI

194-222

U

J

3/4, 2/4

q = 96, semplice

[voir VIII]

pédale mi + triades

O9, I9

2/4 h|3/4 qh_|heE|

[208]

accord de 8 sons (nº 1-4)

I + O6

2/4 qq|3/4 heE|

[220]

cluster final (8 sons)

livre

VII

223-252

K

2/4

q = 88, tranquillo

analogue à III

mélodie + accords de 3 sons (nº 7-12)

O11

r3ry|qq|q_ eE|

[232]

rit.

2/4, 3/8

q = 120, energico

accords de 3 sons (nº 1-12)

O11

Qq_|eEq_|eE

[240]

4/4, 3/4

a tempo (deciso)

motif + accords répétés

I6

4/4 QEertty|3/4EeErty|2/4EeEe|

VIII

253-276

L

3/4, etc.

q = 96, semplice

analogue à VI

pédale sol + mélodie à 3 voix (nº 1-11) = mixtures (triades majeures)

superposition I/I4/I7

q|qqq|h._|eE

IX [= II]

277-345

U

M-N-O

6/8 = 3/4

q = 168 (e = e sempre), con spirito

répétition intégrale de II

[voir II]

[voir II]

[voir II]

X

346-404

U

P

6/8 = 3/4

l’istesso tempo

motif varié (nº 1-5)

O5, O1

qerty|eEq_ eE|

[359]

cantus firmus + mixtures à 3 voix

O1, I8

eEeEeE|eEeEeE|

[374]

Q

cluster et accords divers

livre; OR

Qerty|h eE|

[387]

mouvement chromatique

Qqq|4/4 hh|2/4 qq|3/4 qqq|

[393]

R

triade la maj + dissonances

O11

rEyrty|rEy

XI

405-481

U

S

3/4, 2/4

q = 69, affettuoso

série fragmentée (nº 1-10)

I10

hq|qqq|+ S3dg|eS3dgryeE|

[429]

U

T

3/4, 2/4, 6/8, etc.

q = 88, brillante

accords de 3 sons (nº 1-12)

O1, O3

r3ry|qqQ|

[440]

2/4, 3/4

q = 69, affettuoso

répétition variée mes. 407-411

série fragmentée (nº 1-10)

I10

hq|q.ery|

[446]

U

U

2/4

q = 108, giocoso

mélodie + contrepoint (vl. I et tromb. I en duo)

O7

Erty|eEq_|h_ e

[458]

V

3/4, 2/4, 4/4, etc.

q = 69, pomposo

pédale mi-fa + faux-bourdon (nº 2-6)

superposition O2/O10/O5

4/4 qqqq|3/4 ry_ h_|h_ e

XII

482-512

X

3/4, 2/4

q = 60, espressivo

pédale mib + accords de 3 sons

O10

3/4 ryqq|2/4 ry_ q|

[494]

triade do maj + mouvement cromatique à 4 voix

OR10

qqq|ryqq|

[501]

cluster

[506]

motif sib-la-fa-ré (nº 12, 7, 9, 11)

OR

2/4Erty|3/4 ryh_|q_ eE

Fig. 4. Diferencias (schéma de la forme). Rodolfo Halffter

Les indications concernant les numéros de mesures, lettres de partition, mesure et tempo de ce schéma sont basées sur l’édition révisée de 1985.